mercredi 11 juin 2014

Érotrio

Tu goûtes  les larmes même si tu souris
Je te soulève comme une offrande
Ton bassin si frêle au creux de mes mains 
Avant de te bénir de mes lèvres
 
C'est là qu'il constate qu'il est superflu
Nous ne lui accorderons qu'un statut de voyeur
 
Il me voulait dans l'ombre
Amante fougueuse mais laide
Et toi, tu attirais la lumière des projecteurs
Il te convoitait
Mais ne voulait perdre mes mots
Et mon ardeur
 
À ton cœur défendant
Il t'a convaincue de m'inclure
Tu as pleuré et refusé
Nous avons bu
Tu as cédé
 
Le voilà baisé et ramolli
Alors que je t'élève encore et encore

lundi 9 juin 2014

Déambulations


Le vent effleure mes lèvres
Il s'aventure dans mon cou
Qui vacille
C'est son seul voyageur

Et perdues sous mes pas
Se déposent les eaux rares
Qui façonnent des trajets
Pour d'improbables promeneurs

J'ai fait le vœu
Que plus personne n'ouvre
Mon cœur de ses cils
Et mes ailes de ses baisers

Pour mettre fin aux émois
Dont j'aimerais n'avoir cure
Ne restent que le mal et le bien
Ces écarts de beauté

Qu'entendent mes lieux
Emplis de mystères
Tout en détours
Et doux leurres?

Le silence
C'est tout ce qui bruit
Au son de la vie
Qui s'ébat

samedi 26 avril 2014

Temps et lieux

Avoir faim de vie
Soif d'éventualités
Ne plus craindre
La part du vide
Ni les cris silencieux
De l'oubli

Trépasser
De normale
À nomade
Assise mobile
 
Fouler les grèves grises
Cueillir le vent
Et ouïr les cieux
Annonçant la mer

dimanche 13 avril 2014

Métempsychose

Le temps court
À la surface de la peau
Y tisse les transes lucides
De la vie
Et sur les chemins sinueux
De son apothéose
Il trace en parallèle
L'inexorable avancée
De l'apoptose

La mort nous suspend au vide
Dès notre premier soupir
Et nous tient en haleine
Jusqu'à l'avant-dernier
Arrive alors l'amant de l'âme
Qui d'un battement d'ailes
Souffle le flambeau
Avant de s'éclipser
Sans un adieu

Il faut souffrir
De longs détours
Avant que ne survienne
Le calme
Étincelle
Pressentant l'esprit




mercredi 9 avril 2014

Madame rêve

Madame rêve de MDMA, une dose sur chaque case de sa carte de bingo. C'est pour quand les beaux jours? les amours? les artifices paradisiaques? Elle se promène d'une chambre à l'autre, d'un quartier à l'autre, sa coupe de vin à moitié pleine en équilibre instable sur sa bicyclette. Elle tangue la langue à terre. Il n'y a rien pour l'éclairer dans le guide des rêves. Elle rit et se terre. Elle crie et refuse de se taire. Rêve de malade pour madame, ce matin.

vendredi 28 mars 2014

Les corps me sont étrangers

Les coeurs me sont inaccessibles

Les âmes des amours mortes me hantent

Il n'y aura plus d'amours vivantes

Il y aura peu de temps pour panser

Avant la chute dans l'invisible

mercredi 19 mars 2014

Là où il m'est possible d'écrire

Tous les lieux de transition
Il faut qu'il y ait translation
Changement d'état
Émouvement
Pour traduire fidèlement
L'image traversée au voile

Après seulement
La mise à l'écran
Ou la gésine sur le papier
Couches difficiles
Écorchures des traces
Sutures des ratures
Défaites dépensées

Parfois
Il ne reste
Rien

Nudité sans recours
Ni ressources
Dont seule une plume
Peut m'alléger

Nuit de mars

Suspendre les mots
À la fatigue des heurts
Nausées
Que les nuits troubles
De lueurs étalent
Au gré de vagues
Espoirs

vendredi 14 mars 2014

Douce compagne de solitude

J'ai envie de Nicotine
De sa présence toute en volutes bleues
Qui m'enveloppe
Et m'étouffe
Quelque chose d'un peu dur
À embrasser doucement
Et qui accueille mes lèvres
Dans quelque état qu'elles soient
Je m'ennuie de cette toute petite chose
Qui repousse les larmes
En les attirant par en-dedans

Qu'elle me manque
Cette touche
Objet de désir à l'odeur âcre
Que je savais tenir avec tant de grâce
Et qui, en retour
Me donnait contenance
Je n'étais jamais vraiment seule
Quand je fumais
Du moins,
Pas comme je le suis maintenant

Une cigarette à la main
Je pouvais me déposer
Dans n'importe quel bar
Dans n'importe quel café
Avoir quelque chose à faire
De mon corps
De mon regard
Sans souffrir de mon absence
De mon invisibilité
De ma difficulté à communiquer

Où que j'aille
Quelle que soit l'heure
Ma chum m'accompagnait.
On faisait la paire
Ma Clope et moi,
Son éclopée.

dimanche 2 mars 2014

Les bonnes manières

Il faudrait que nous ayons des choses à nous dire avant qu'un pendant prenne la forme d'un après. Tant de gêne devant ce désir que je fais naître. Tant de surprise devant ces mains qui s'approchent et ces yeux doux dont je ne capte l'éclat qu'à rebours. J'ai si mal aux lendemains impolis d'avoir donné trop rapidement par crainte de la honte plus grande encore que j'aurais éprouvée à ne pas honorer une promesse que j'ignorais avoir faite.

Tissu de mensonges


Les pires mensonges
C'est à moi que je les murmure
Fragments élimés
Unis par des raccords qui jurent
Ces rapprochements de vérités floues
N'existent vraiment
Que parce que je les couds

Je surpique mes songes
De gros fils blancs
Qui tissent des vœux pieux
En vains raccommodements
J'y ajoute des froufrous
Que j'orne de guipures
Aux motifs de brocarts effilochés

Est-ce pour moi que je couds
Des coupons dépareillés
Unis par des serrements
Qui se jurent vérité
Malgré les jonctions floues
et les bouts rabibochés?

Cousette mal aguerrie
Je pique, puis faufile
Nos étoffes fatiguées
Aux rebords défaits
D'amours déçues
Réunies en mosaïque
Par nos silences qui s'y mentaient

Je me suis battue à plates couture
Au lieu d'en découdre
Avec cette nostalgie
De nos chaos si légers
Passepoils de velours
Œillades paisley
Baisers mousselines

J'ai voulu t'offrir
L'ourlet de mes lèvres
Réunir d'ébauches
Nos liens incertains
Pour en faire des courtepointes
Où nos corps moites et lassés
Se blottiraient au creux des mêmes rêves

Mais tu n'avais pas l'étoffe de l'amour
Tu as sorti ton coupe-fils
Défait mes coutures
Écorché tous mes plis
Abîmé mon cœur
Encore et encore
Aux arêtes du rocher
Imprenable qu'est le tien

mardi 18 février 2014

Délire génétique



La      flamme      a      tout      mordu
      des      dents      ont      résisté 
      et      jonchent      maintenant      le      sol 
perles      incarnées      qui      subsistent
      alors      que      les      autres 
      les      dents      d’or 
sont      fondues      en      chaînes      d’oubli 

Tous      ces      noms      dans      la      mort      sans      fin 
      enroulés      par      millions      dans      l’enfer 

N'en      savons      rien 

Humains      sans      transes      à      jamais      entachés 
      entassés      dans      ces      fosses      sans      urnes 
      qu’oblitèrent      des      cendres      communes

D’où      s’échappent      les      atomes 
      ichoreux
      fumerolles 
      érodant      la      paroi      du      temps 
      
Pour      qu'adénine      et      thymine 
Guanine      et      cytosine 
      s’accouplent      en      brins     hélicoitaux 

Dieu 
     non-dieu 
          la      vie

lundi 17 février 2014

Mémoire de possession - ébauche (1)

Je rêve de rencontrer Yolande Villemaire pour lui raconter une nuit de possession, vers la fin des années 1980, nuit au cours de laquelle l'angoisse m'a enveloppée, transpercée, traversée, puis habitée sans que je puisse comprendre immédiatement ce qui se passait. Je lisais La Constellation du Cygne, paru aux Éditions de la Pleine Lune en 1985. L'histoire portait sur la passion entre une prostituée juive et un officier nazi. À l'époque, je vivais plusieurs relations simultanées, dont une, particulièrement malaisée et malsaine avec un type un peu fou qui s'était brûlé les neurones avec diverses substances. Je lisais frénétiquement le roman, m'y enfonçant de plus en plus, revenant sur les pages, trébuchant sur des mots, des lieux, nauséeuse en permanence, aux prises avec une impression de déjà-vu irrationnelle. Une nuit, alors que je recommençais à lire encore une fois le même passage, une évidence me frappa de plein fouet et je déchirai la page sous le choc: mon nom, Alice Bergeron, était l'anagramme presque parfaite, quoique amputée d'un "S", du nom de son personnage féminin: Celia Rosenberg. J'en perdis le sommeil des jours durant.

Quelques semaines plus tard, en entrant avec une amie dans un commerce d'antiquaire délabré, un vieil hibou-médium, propriétaire des lieux, m'apostropha violemment et me révéla que j'étais une erreur de la nature, une malfaçon en transition dans la vie présente, car je devais expier de nombreux péchés, pas juste les miens, le feu n'ayant pas réussi à tuer toute mon âme. Selon lui, j'étais morte brûlée au début des années 1940, probablement vers la fin de l'année 1941, putain dans ma chair et ange dans mon cœur, mais mal consumée, des fragments de poussières d'âme et d'inconscient en errance avaient trouvé leur chemin jusqu'à moi - comme en témoignait mon œil égaré.

mardi 11 février 2014

Mère d'accueil

Elle attend, nue
Un peu fripée
Parfois froissée
Ce qui est tu
Mais veut surgir
Elle est patience
Et mère d'accueil
Des effusions
De la distance
De la caresse
Des griffures

Elle prend tout
Sans distinction
Ce qui disparaît
Comme ce qui dure
Le beau, le laid
Le faux, le vrai
Le dur, le mou

Elle recueille
Et redonne
Et redonne
Sa seule mission
Est d'être une feuille

mercredi 5 février 2014

Furtifs baisers



J’ai semé sur ta bouche
Des écueils de morsures
Mille pleurs s’y brisent
En gouttes d’âme
Dont je couvre ta peau

Mes mots pas sages se déchirent
Et ma fente asthmatique
Accueille ton désir bien serti

Ta fronde hoquète
Sans cul férir
Et étouffe ma faim
De non-recevoir

dimanche 2 février 2014

Bonheur d’usures


J’chuis pas douée pour le bonheur
Je travaille trop

J’fais trop d’efforts

J’en ai bien peur



C’pas plus facile avec les mots

Sont pas nombreux

J’fais de mon mieux

Et j’manque de temps



J’parle juste d’amour, c’est pour la forme

La nuit venue

J’dors nue mais seule

Le nez dans l’mur



Ch’pas vraiment belle, mais je fascine

Étrange oiselle

On veut mes ailes

Mais pas mon cœur



J’aimerais vraiment sortir du JE

Entrer dans l’JEU

Offrir mon âme

Te faire honneur



Mais je tombe à genoux devant toi

Immonde d’amour

Transie d’ardeur



Ton sourire fermeture-éclair

Ta faim sans goût

Désire mon gouffre



Et toi qui plonges vers moi chaque fois

Sans plus m’attendre

Ni même me voir



Ta grande lointeur me rend aride

Je te donne tout

Et davantage



J’te quitte avec ton ombre fixée

Au coin d’mes lèvres

Mais t’es plus là



Le jour durant, ta sève s’écoule

Et moi je meurs

D’adieux, encore