mardi 22 octobre 2013

Bungee


Tu t’élances dans le vide
Dans la gueule du où
Tu te défiles autour de toi

Le vent t’étreint
D’un orifice à l’autre
Au risque de rendre
Jusqu’au vide de ton âme
Tu fuis de partout

Tes pensées sont navrantes
De banalité
Amère, tu cries des mots
Aussi polis qu’une lame
Au travers de la gorge

Le choc chuchote
Dans ton lobe terrestre
Tu déproses le tout

Rebondissent
Tant de belles images
Qui t’échappent en silence
Et vont émailler
Le poème automatique
Que vomit
Quelqu’un d’autre

De désespoir
Ta culotte se mouille
De larmes inutiles

Ce n’est qu’au bout
Du lien détendu
Que le souffle
Te revient

La grâce tend alors les bras
Elle t’embrouille la vue
Avec ses songes
D’ange heureux.

Vélo


Le gris du sol accourt
À ma rencontre
L’accotement m’est fêlure
Le sol racle la peau
Les herbes giflent
Tendrement mes joues

Mes illusions s’évanouissent
En même temps
Que ma voix
Que mes yeux
Que mon oui

La nuit s’effondre
Dans un bruit de pierres

Mes longs cheveux
Peignent sans fin
Mes joues lacérées
D’où l’encre sourd à flot

Il y a ce gouffre
Dans ma bouche
Qui expose l’os
De la mandibule

La nuit tombe
Dans un bruit de sang

Réapparait
Le sourire du ciel
Et les étoiles moqueuses
Raillent ma déconvenue

Depuis quand la nuit
Veille-t-elle
Mon corps meurtri?

Baisés d’herbes humides
Mes reins
Rompus de fatigue
Se coulent
Dans le fossé

Je gis

Résister
Au
Désir
De
Tester
La
Vie
En
Bougeant
Un
Tant
Soit
Peu

Car
Douleur
Sera
Douce
Rançon
De tout
Mouvement

Suis là
Serai là
Enlacée
Fin seule
Tombée
Tombe
Dans
Linceul
De rosée

Et l’aube
D’éclairer
Les rayons
Dérisoires
De ma roue
Voilée

samedi 19 octobre 2013

Glissade



Nos corps se gitent
Où bon leur semble
Sur l’horizon glabre
Des glaces lissées

Nos solitudes se lovent
Dans un lit de neige
Qu’un défaut de relation
Laisse pantois

Nos souffles en volutes
Fondent une trace boueuse
Au tranchant de nos membres
Transis de désir

Aucune âme ne surgit
De nos fluides glacials
Ne se risque
Que gelée de tendresse

L’amour se décline
En patrons d’anges déçus

dimanche 6 octobre 2013

Boxe


Allez ma vie
Couche-toi là
Dans ce combat
Truqué arrangé
Par les comment
Dire taire

Étends-toi
Avant la fin
Du round
L’arcade du cœur
En sang
L’âme labourée
Par les coups
En bas
De la ceinture

Fais le mort
Dans ton short
De satin
Trop lâche

Écrase
Tes mots
Avec ton
Mouthpiece

Ton cerveau
Knock-out
Est absent
De ton regard
Pris dans le Jello
De tes pensées

Montre-moi
Tes poings
De suspension

Finis
Ce qu’on bat
De solitude

Baisse ta garde
Enlève tes gants

Ton adversaire
Ne s’est même pas
Présenté

mercredi 2 octobre 2013

Escaliers



Le 13 février 2013, après une nuit d’angoisse à contempler une page folle de blancheur, quelques personnes m’ont offert une phrase. Voici le petit récit sans prétention qui est issu de chacune de ces phrases.


Nayla était assise en tailleur sur la première marche après le palier et faisait tranquillement des sudokus. Sur son T-shirt noir, elle avait peint : Allah est grand ! À bas l'islamo-fascisme ! Quelques cheveux bleus s’échappaient ostensiblement de son foulard clouté. À la vue du propriétaire de l’immeuble qui montait péniblement les marches jusqu’à son appartement, elle se surprit à lui sourire, puis lui lança :
 

-          Hail Euler !
-          Ne me prend pas pour un ignare, fillette ! » lui répondit-il.

L’homme était presque rendu à l’étage suivant quand elle lui dit :

-          Mister Léonard, faut pas te vexer comme ça, je taquinais !
-          Un jour, tu seras vieille et essoufflée, toi aussi.
-          Oui. Je vais vieillir d’une année sous peu et je souhaite réaliser tous mes projets avant de mourir.
-          Sois prudente avec tes carrés magiques, mademoiselle Berg-Ehron. Sache que ce que tu souhaites se réalisera comme il se doit, lui répondit-il lentement en reprenant son souffle.

Il ne pensait pas si bien dire.

***
 
L’absinthe avait fait son effet. Jen ne tenait plus en place.


-          Si je tombe en bas de ma chaise, mets-moi une cigarette dans ‘bouche !
-        T’as trop bu, Jen. Viens, on va s’en fumer une sur le balcon avant que tu tombes, puis après, je vais te mettre au lit. -          Veux pas m’arrêter, ma belle Bleue… Fais-moi une ‘tite place sur tes genoux. As-tu un cul-de-poule ?
-          Non, mais de quoi tu parles ?
-          Un cul-de-poule, Nayla. Tsé, un saladier en métal ? Comme ça, si je suis malade, j’cochonnerai pas la place.


Nayla alla chercher un bol dans la cuisine et le déposa au pied du divan.


-          Viens, clopons, mon éclopée ! Après, je te mets au lit. Ok ?


Jen s’extirpa soigneusement des coussins, puis enlaça Nayla :


-          Vous m’épatouillez, dame Berg-Ehron, comme toujours, lui susurra-t-elle à l’oreille.

Puis, un peu plus fort :


-          Ok, ok, let’s do this ! Clopons, la vie est belle !


Que s’est-il passé ensuite ? Est-ce que ce sont les trace laissées derrière par Big, pas foutu de disposer correctement de son « gant de latex » après l’avoir jetée, elle, après usage ? Nayla n’arrivait pas à comprendre ce qui avait mis Jen en furie. Celle-ci s’était mise à hurler et à trembler convulsivement. Ses dreads verts et châtains, libérés, fouettaient l’air et le visage de Nayla qui tentait, tant bien que mal, de la maîtriser, de la calmer. Elle faisait avancer Jen pas à pas, en l’appuyant contre le mur. Alors qu’elle la dirigeait autour des chaises de la cuisine, Jen échappa à l’emprise de Nayla, s’empara du vase au centre de la table et le lança de toutes ses forces et avec une précision absurde dans sa direction. Nayla n’eut pas le temps de l’éviter. Le vase éclata en mille miettes, dispersant les fleurs séchées dans toutes les directions. Jen s’effondra au sol en sanglots. Tant bien que mal, Nayla la releva et, la tenant fermement, la dirigea vers la chambre. Elle réussit à la mettre au lit, puis revint vers le salon chercher le cul-de-poule. De toute évidence, Jen allait en faire usage.

Ses larmes se mêlaient à la sueur qui dévalait ses tempes, puis ses joues en traçant des entrelacs dans son cou avant de s’engouffrer entre ses seins. Nayla s’essuya distraitement les lèvres, goûta le sel et le métal… Elle saignait comme un cochon, son t-shirt et le plancher étaient maculés de sang. Il faisait si chaud déjà. Elle attrapa un linge de vaisselle et s’essuya le visage en pensant que le Dairy Queen allait ouvrir dans deux semaines et que ça voulait dire que le printemps s’en venait.

Comment se fait-il que des pensées aussi stupides nous assaillent dans des moments aussi dramatiques ?, se demanda-t-elle. Il est temps que je fasse un move. Je souhaiterais tellement passer à autre chose, changer de vie, mais je n’ai aucune idée de ce que je veux, soupira-t-elle.
 
Il n’y avait pas de contremarches dans l’escalier. Quelqu’un avait longuement occupé cet espace, observant à travers, et avait peut-être été témoin de captures en montée sans-dessous sens dessus-dessous, ces saisies dans l’acte d’amour, ces saillies, à même les marches, avant même de se rendre en haut.

C’est ainsi que Big avait déstabilisé la troisième marche dans un effleurement pressant de mâle qui avait laissé à Nayla des brûlures de friction au sacrum et des échardes au cœur. C’était la troisième fois qu’il essayait de la séduire. Il y était parvenu, à son cœur défendant. Son corps, lui, avait tout permis.

« Il m’a saisie à bras-le-corps. Il y a eu ravissement… et ravage », se dit Nayla en changeant les points de rapprochement sur son front.

C’est après le départ de Big, dont elle ne se souvenait que de l’enflure du nom et du membre, et après sa dispute avec Jen, qu’elle conçut le projet de partir. Mais avant, elle allait faire la peau à ce qui avait été écrit sous l’escalier au lendemain de sa capitulation. Ou plutôt, faire la peau belle, car il n’était pas question qu’elle détruise le travail d’un poète, aussi malintentionné ou peu talentueux soit-il. Sinon, ce serait comme taguer un graffiti : ça ne se faisait tout simplement pas. Taguer un tag, rien d’inhabituel : du pipi de chien tout cela. Mais s’en prendre à la création d’un autre artiste, c’était wrong. Non, elle se contenterait de visiter les mots, d’en transformer certains et d’y ajouter les siens pour en faire un poème à voies multiples qu’elle lirait au Demi-Rêve, si jamais elle remettait les pieds à cet endroit.

Marchande de peau infâme
Sur un lit, la Pute NAYLA,
Lubrique jusqu’aux os,
Use son beau cul vide
Sur nos queues arides

Comme le poème lui rappelait vaguement quelques vers de Baudelaire, elle le transforma, de manière qu’il devienne possible de lire plusieurs poèmes dans un seul. Nayla relut les vers, puis corrigea ses fautes. Écrire n’était jamais simple pour elle. Le doute l’assaillit. Tant de phrases incroyables avaient été écrites dans l’histoire de la littérature qu’il lui semblait être pure prétention de sa part que de croire pouvoir en inventer une de plus.

Pour la forme, elle prit le tout en photo avec son iPhone, ramassa les craies qui traînaient et les jeta dans son sac à dos. Elle partit ensuite en direction de la gare d’autocars. La vague de chaleur se poursuivait. Il faisait déjà presque 24 oC et il était à peine huit heures. Alors qu’elle marchait en se laissant bercer par les cymbalisations des cigales, Nayla fit une rencontre inattendue sur la rue McGill College : Euler ! Elle le reconnut à sa cicatrice en croissant qui s’avançait de plus en plus courageusement dans la clairière de son crâne. Il était debout, de dos et immobile au centre du trottoir. Les passants le contournaient sans lui accorder le moindre regard. Nayla s’arrêta quelques mètres derrière lui. Maintenant, les passants formaient une vague en forme de huit, évitant le vieil homme, puis la jeune femme. Nayla resta plantée là de longues minutes à observer le flot presque ininterrompu de ces étrangers qui allaient tous quelque part. Elle se surprit à sourire doucement. Elle rougit violemment lorsqu’elle s’aperçut qu’Euler s’était retourné vers elle.

-          Tu me rappelles une jeune femme que je croisais parfois chez une amie, parfois dans un bar. Elle n’était ni belle ni laide, juste très particulière dans sa solitude. Plus que ses longs cheveux teints auburn et sa taille très fine, c’était cette grande solitude qui m’avait attiré chez elle. Je la voyais au Cauchemar. Mademoiselle Nayla, savais-tu que le Demi-Rêve s’appelait autrefois ainsi ?


Sans attendre sa réponse, il poursuivit.

-          La jeune femme dansait seule, les yeux mi-clos, à la fois gracieuse et gauche. Ses mouvements erratique la faisait ressortir parmi tous les danseurs, car ceux-ci laissaient beaucoup d’espace autour d’elle, de manière à ne pas entraver les mouvements de son corps, ses pirouettes imprévues, ses chutes dont elle se rétablissait aussitôt, en caressant le sol.


Un groupe de touristes bouscula légèrement Euler, qui se rapprocha encore davantage de Nayla. Son haleine était vineuse. Il y avait moins de passants, mais tous deux restèrent debout au centre du trottoir.

-          Un soir, continua Euler, je m’étais approché de cette femme, bien décidé à engager la conversation avec elle, mais lorsqu’elle m’avait regardé, j’avais été si intimidé que j’avais immédiatement quitté la piste de danse pour aller fumer une cigarette sur la terrasse du 3e étage. J’avais été très déçu de ne pas la retrouver lorsque les lumières s’étaient allumées, invitant les fêtards à aller terminer ailleurs ce qui n’avait pas su commencer avant le last call. Pourtant, je savais qu’elle devait avoir quitté depuis peu. Je suis alors parti à mon tour et j’ai marché vers le nord plutôt que de rentrer chez moi. Mon œil cherchait sa longue jupe et son châle noirs, mais la nuit ne recelait que des épaves criardes court vêtues et hérissées. J’avais renoncé à la trouver et, le pas mal assuré, j’ai bifurqué vers le square afin d’y dormir quelques heures.


Nayla ne voyait pas où Euler voulait en venir, mais elle l’encouragea à continuer son récit.

-          Mister Léonard, allons nous asseoir dans le petit parc près de la bouche de métro, si vous le voulez bien. J’ai peu dormi ces derniers temps et vous me semblez fatigué, vous aussi.
-          Oui, faisons cela, lui répondit Euler. J’étais donc arrivé au square et c’est au moment de contourner le petit pavillon que je la vis. Elle marchait lentement autour de la fontaine. Je pressai le pas et elle s’arrêta. De dos, elle paraissait encore plus menue. Je m’approchai en courant. Elle se retourna avec un vague sourire qui s’estompa progressivement, laissant à son regard triste et doux le soin de m’annoncer que je n’étais pas celui qu’elle espérait. « Promettez-moi, gentil cyclope, d’être doux et fougueux », dit-elle en me prenant par la main. Sans attendre ma réponse, elle m’entraîna chez elle. J’y suis resté pendant trois ans. J’ai partagé sa vie, son lit et j’ai fait partie de sa cour. Celia s’est toujours montrée pleine de douceur et d’égards, tout en maintenant son cœur à distance. Il y a eu des moments difficiles, comme quand il m’arrivait de croiser ses autres prétendants dans l’escalier quand je partais travailler. J’ai fini par prendre le tout avec philosophie et à me surprendre à trouver ces « circonstances » des plus comiques. Je me souviens d’un soir où quatre autres hommes étaient venus s’asseoir à sa table au Supplicié et du trouble, voire de la vexation que certains avaient éprouvé en découvrant tout à coup que les autres hommes présents étaient, eux aussi, des poulets faisant partie de sa suite… mais je m’égare, comme toujours, quand il est question de Celia…

Nayla vérifia l’heure aussi discrètement que possible sur son téléphone portable. Elle constata par le fait même que personne n’avait encore tenté d’entrer en communication avec elle. Il ne fallait pas qu’elle soit en retard.

-          Je constate que la Lune t’a mordue, toi aussi, lui dit Euler en déplaçant son foulard pour lui caresser doucement la joue. Encore de nos jours, les vases font bien des dommages…

Nayla n’eut pas le temps d’esquiver le geste d’Euler ni de contenir l’émotion qui s’échappa de ses yeux, brûlant sa joue au passage.

-          Mister Léonard, je ne veux pas être impolie, mais…
-          Pardonne-moi, fillette, je ne voulais pas être indiscret ni te manquer de respect, l’interrompit Euler avant de poursuivre son récit. Je ne me suis jamais plaint de ces situations et, d’une certaine manière, j’ai peut-être été son favori – du moins, j’ai été le préféré de Louve, sa chienne. Cette première nuit où Celia m’a ramené chez elle, il n’y a eu ni jappements, ni grognements. Pour marquer mon arrivée dans la vie de sa maîtresse, Louve s’était empressée de s’asseoir tout excitée à mes pieds et d’uriner dans mes baskets. Mais peut-être que je t’ennuie avec mes histoires ?, lui demanda-t-il tout à coup. Tu me sembles perdue dans tes pensées.
-          Non, ce n’est pas ça, c’est juste que j’ai à faire au centre-ville avant 9 h 30 et que je ne comprends toujours pas où ce récit s’en va…
-          Ni où toi, tu t’en vas, l’interrompit de nouveau Euler. Qui sait où la vie nous mène ? Tout ce que nous savons, c’est qu’elle mène, et ce, sans se soucier de nous. Pourtant, la vie fonctionne et prend sens à partir des moments que nous choisissons de relater, des petites fictions que nous construisons ou que nous anticipons. La vie existe hors de nous, presque malgré nous. Notre présence ne lui est en rien nécessaire… Parfois, c’est ce qui nous amène à vouloir la quitter, tout comme nous souhaitons quitter ceux qui nous aiment. Il n’y a rien de pire que de cesser d’aimer quelqu’un sans raison. C’est souvent le signe avant-coureur que nous avons perdu notre raison d’être, notre direction. Quand j’ai rassemblé le courage d’annoncer à Celia que je la quittais, sans pouvoir lui donner de raison valable, elle a eu un accès de rage et m’a assommé avec un vase. Après, elle s’est effondrée. Je l’ai mise au lit, j’ai tout ramassé et je suis allé promener la chienne. Le lendemain, j’ai pris un bus pour Vancouver, où j’ai passé les sept années suivantes. Va, Nayla, c’est maintenant le temps de partir.


Mister Léonard lui caressa de nouveau la joue et l’embrassa sur le front. Il se leva péniblement, puis partit, laissant Nayla les yeux agrandis de douceur.

***
 
Depuis quelques jours, personne n’avait vu Nayla. À l’appartement qu’elle partageait avec Jen Miranda, ses affaires trainaient comme d’habitude. Curieusement, Jen ne semblait pas s’en inquiéter outre mesure.
Von était persuadé que Nayla était morte. Il dressait un parallèle entre sa disparition et les saccages successifs du poème écrit à la craie sous l’escalier. La peine qu’il éprouvait était si intense qu’il n’arrivait plus à dormir. Il se revoyait, quelques nuits plus tôt, tapi sous l’escalier pendant que Big profitait du fait que Nayla était, pour reprendre ses propres termes : « Trop drounke! » Il était resté bouche bée de colère et de surprise. Ainsi, la précieuse pieuse révoltée marchait maintenant à voile et à vapeur ? Qu’à cela ne tienne : il utiliserait les propres mots de la salope qui avait levé le nez sur lui sous prétexte de préférer les femmes pour étaler la vérité au grand jour. Rageusement, il avait récupéré un bout de craie. C’est à ce moment qu’il avait vu les stries rouge foncé sur le sol.

***
 
À son réveil, Jen se pencha pour attraper sa deuxième pantoufle. Sous le lit, elle découvrit une feuille pliée.
Lorsque je suis revenue cette nuit, j’ai vu un éclat du vase que tu aimais tant sous le comptoir. Je l’ai laissé là, je le laisserai là, jusqu’à mon retour. Si je reviens un jour. C’est le mieux que je puisse faire dans les circonstances. Ce sera une trace. Une trace moins accablante que celle que je porte dorénavant sur ma joue. Là où le vase s’est brisé. Là où tu m’as quittée, Jen.
Mon désir de te voir est réel. Mais ce ne sera pas possible avant quelque temps. Celle que j’étais doit cesser d’exister. Pour le moment, je reste en lien dans l’invisible. Tu me manques, Jen Miranda.

Avec amour, malgré tout.

Nayla

Jen replia soigneusement la lettre avant de la mettre dans une enveloppe, qu’elle cacheta. Elle écrivit ensuite son nom comme destinataire, l’adresse de ses parents au Portugal, puis l’affranchit suffisamment. Elle ne prit pas la peine de mettre une adresse de retour. Jen savait que l’enveloppe se rendrait à destination, puis que sa mère la mettrait de côté, sans l’ouvrir. Peut-être même la brûlerait-elle, dans l’un de ses moments de folie expiatoire. Jenofeva Miranda avait tant déçu sa mère ! D’abord en s’arrachant à son emprise, puis en vivant au grand jour sa déviance. Toute liberté a un prix et en général, il est très élevé. Alors qu’elle allait déposer l’enveloppe dans la boîte aux lettres, Jen se ravisa et la remit dans son sac. Nayla avait raison : elle avait cessé de l’aimer depuis longtemps déjà, sans en être consciente, sans oser se l’avouer. C’est ce qui l’avait fait entrer dans une rage folle l’autre nuit. Elle sortit une cigarette en pensant tristement : « Ma vie est une suite d’auto da fé. » Elle alluma sa cigarette, sortit l’enveloppe de son sac, puis y mis le feu.

De retour à l’appartement, Jen téléphona à des amies pour leur demander si elles avaient eu des nouvelles de Nayla, car celle-ci n’avait pas donné signe de vie depuis au moins trois jours. Elle leur raconta qu’elle était allée rendre visite à une amie et qu’à son retour, elle avait constaté qu’il y avait eu de la casse à l’appartement, qu’il y avait du sang un peu partout et qu’il n’y avait aucune trace de Nayla. Elle réussit même à pleurer. Elle se garda de révéler aux autres les événements ayant précédé la disparition de Nayla.
La machine à rumeurs se mettait déjà en marche. Elle apprit quelques heures plus tard qu’Ive avait créé une page Où est Nayla ? Tous ses amis et connaissances se partageaient frénétiquement la photo de Nayla et les récits de la dernière fois qu’ils avaient été en contact virtuel ou réel avec elle ainsi que leurs hypothèses sur sa disparition. De fait, Nayla était tellement présente dans tous les réseaux sociaux qu’il devint presque futile de la chercher pour vrai. Un peu comme ces voisins qui n’appellent pas les pompiers même quand un incendie fait rage, présumant que quelqu’un d’autre l’a déjà fait. Jen enveloppa le morceau de vase dans du papier de soie et le déposa dans l’une de ses boîtes à secrets.

***
 
Euler était catastrophé. Nayla Berg-Ehron avait disparu et il était le dernier à l’avoir vue vivante. Quand on lui avait demandé s’il l’avait vue récemment, plutôt que de raconter la rencontre sur McGill College, il s’était remémoré leur avant-dernière rencontre dans les marches de l’escalier. Il se sentait terriblement coupable. Malgré lui, il avait peut-être influencé son destin.

***
 
Qu’était-il arrivé à Nayla ? Sur les réseaux sociaux, certains, ou plutôt certaines, avançaient que de toute évidence, Nayla avait disparu pour faire un coup d’éclat. Plus le temps passait, plus elles étaient convaincues que c’était le cas. Ive, perdu dans ses pensées, ne vit pas Von avant de lui foncer dedans. Il empestait la bière et le tabac mouillé.
-          Salut Ive, ça va ?, demanda Von.
-          Et toi, mon vieux Néron, toujours sous l’emprise de la bouteille? Tu fais dur, Von. Tu sens la tonne, lui dit-il en le poussant de côté.
-          Pas de nouvelles de la belle Bleue ? Suis sûr qu’elle s’est tirée d’ici ou qu’elle s’est pendue quelque part avec son foulard. Pas toi ?, s’enquit Von.
-          C’est ce que tout le monde pense, répondit Ive.

Il se demanda s’il était normal d’y croire. Il ne savait plus quoi penser. Toutes ses tentatives de lier les événements des derniers jours finissaient en queue de poisson.

-          Tu penses qu’elle a disparu pour toujours, Von ?, demanda Ive.
-          Oui. Ça fait plus de soixante-douze heures qu’elle n’a pas donné signe de vie, qu’on est sans nouvelles d’elle. Mon grand-père avait coutume de dire que s’il n’avait pas une piste, aussi ténue soit-elle, dans les trois premiers jours d’une enquête, il allait être difficile de résoudre le crime ou de fermer le dossier.
-          Arrête, je me sens tellement mal. Je suis presque certain que c’est le vieux schnock du quatrième étage qui a saboté son poème.
-          Impossible. Ils s’adoraient ces deux-là. À quoi ça rime cette histoire ? Entéka, si désespoir rime avec vaisselle d’hier soir, peut-être qu’il n’y a plus ni Allah ni Nayla.

-          T’es pas drôle, Von. Il va falloir que tu y ailles mollo avec tes jeux de mots à la con. N’importe qui a pu effacer les mots du poème pour les remplacer par d’autres. Je me demande même si ça ne serait pas toi qui as fait le coup…


Von jeta un regard mauvais à Ive et recommença à descendre les marches en titubant.

-          Il faut que je ramasse mon violon, dit-il. Ensuite, je file au Demi-Rêve. Tu vas venir faire un tour ?
-          Pas sûr de ce que je vais faire. Il faut que j’aille faire souper mon père. Il dit qu’il n’y tient pas, mais je sais que ce n’est pas vrai, répondit Ive.
-          Tu viendras faire un tour, après, je veux dire ?
-          Ça va faire 39,99 fois que je te dis que je ne remettrai plus les pieds dans ce trou à ducs…
-          C’est que tout le monde va lire un petit quelque chose que Nayla lui a écrit ou encore jouer un morceau… murmura Von.
-          Et toi, elle t’a déjà écrit quelque chose ? demanda Ive avec un peu trop d’agressivité dans la voix.
Von ne répondit rien. Il prit une bière dans son sac, la tendit à Ive et partit, muré dans un silence obstiné.

-          Ok, ok, oublie ça !, lui cria Ive.

Ive se rassit dans l’escalier et ouvrit sa bière. Il reprit le cours de ses pensées en attendant Big, qui revenait à Montréal après un séjour dans son patelin, à Laterrière. Il y a une dizaine d’années, le Big méchant loup avait déserté la montagne pour la vaste plaine urbaine. Ce faisant, il s’était dénaturé au point de ressembler à l’un des prétentieux clébards fréquentant le Demi-Rêve. Ceux-ci ne s’intéressaient guère aux poètes qui s’évertuaient derrière le micro. Ils étaient là pour chasser les esseulées qui faisaient le pied de grue jusqu’au Last call. Ils consommaient sans vergogne ces petites biches bien chaudes qu’ils ne gratifieraient même pas d’un café ou d’un petit-déjeuner au matin.

Comme d’habitude, Big se laissait désirer. Ive allait partir quand Big arriva un sourire fendu jusqu’aux oreilles. Ive ne le portait pas dans son cœur, car où qu’il aille, Big avait tôt fait de prendre le plancher. En plus, il fallait toujours l’accommoder quand il arrivait. Jamais au bon moment. Toujours trop tôt. Souvent très en retard. Et le salaud avait un succès fou auprès de tout le monde, surtout les filles. Trou du dieu, va !, se dit Ive.

-      Il commençait à être temps ! Je n’ai pas plus de trois minutes et quart à te consacrer, Big, tu comprends ?, lui reprocha Ive.- Oui, oui. Tu sais comme mon travail de création m’occupe, sans compter qu’il y a une succulente jeune fleur qui attend que ce soit moi qui la c…
-      Ok, ok ! Il te reste une minute. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
-     Ive, tu dois appeler Ugo pour qu’il m’invite à la veillée chez Jen.
-      Tu me fuckin’ niaises !
-      Tu es un vrai chum ! Je savais que tu le ferais pour moi. Bon, je dois y aller !
-      Ce serait chouette d’aller voir un film ensemble. Le dernier…
-      Je passe. Faut vraiment que j’aille cueillir ce petit bouton de prose rose. Ciao, mec ! Ah ! Il faudrait que quelqu’un répare la troisième marche. Disons que… je l’ai « déstabilisée » l’autre nuit. J’aurais pu me blesser !

Peu porté sur l’introspection, Big s’était mis en chasse dès son retour à Montréal. C’était sa manière de ne pas trop être au courant de ce qui se passait depuis la soi-disant disparition de Nayla. À force d’en entendre parler, il avait de drôles de sensations, presque des émotions. Il ne voulait surtout pas laisser s’installer le début de peine qu’il ressentait. Wow, quel exploit il avait accompli l’autre nuit. Il avait ravi la Belle Bleue, rien de moins ! Il était persuadé qu’elle était encore en vie.
 
Trajet

Vous partirez de Montréal à 09:30 en direction de Rimouski où vous arriverez à 16:55. Vous repartirez de Rimouski à 17:45 et arriverez à La Martre à 21:43.

 
Dans l’autocar qui l’amenait au large, Nayla lisait La tempête de Shakespeare. Elle avait très mal à la tête. Elle s’était reposée quelques instants sur un banc dans un petit parc sur la rue Saint-Germain à Rimouski, mais un homme âgé l’avait tiré de ses rêveries en lui criant des bêtises racistes. N’ayant pas la force de riposter, elle était retournée se réfugier à l’arrêt de bus, au café Orléans. Café lavasse et Doritos, puis en route vers le Levant en fin de jour.
Le bus roulait vite sur la route 132 Est coincée entre le fleuve d’un côté et la forêt et les montagnes de l’autre. Il faisait gris et de temps à autre, le martèlement de la pluie sur les fenêtres venait tirer Nayla de sa rêverie. Elle avait un peu la nausée en regardant la mer houleuse. Il lui arrivait d’imaginer qu’elle retirait son voile et le lançait du haut d’un rocher. C’était aussi libérateur que le jour où elle avait décidé de le porter : ce n’était pas une apostasie, c’était autre chose. Oui, elle souhaitait éprouver une incarnation telle qu’elle n’aurait plus besoin de signes extérieurs, de preuves, pour être telle qu’elle était dans sa foi.
Elle s’endormit dans le bus et se réveilla à Mont-Saint-Pierre. Il faudrait qu’elle trouve un moyen de revenir sur ses pas, car elle aurait dû descendre à La Martre. Elle attendit une quarantaine de minutes que quelqu’un s’arrête et la fasse monter. Finalement, un pick-up gris s’immobilisa devant elle. Elle expliqua tant bien que mal où elle voulait descendre. Vingt minutes plus tard, l’homme édenté la laissa tout près de la route de la rivière et repartit sans dire un mot ni attendre qu’elle le remercie. Il faisait noir maintenant, mais Nayla se mit à marcher jusqu’à la cabane, qui se trouverait sur sa droite.

La porte n’était même pas barrée. Trop épuisée pour vérifier si c’était la bonne maison, Nayla entra. Ça sentait le renfermé. Sur le côté du mur, elle trouva un interrupteur. Au fond de la pièce, il y avait un escalier. Les marches intérieures cantaient, comme chez son amie France. Elles étaient plus basses à gauche, comme si tout le côté de la maison s’était légèrement enfoncé. Elle monta les marches en pensant aux quelques gouttes de sang qu’elle avait essuyées sous l’escalier à Montréal et à la machine à rumeurs qui ne manquerait pas de s’emballer.

Elle se coucha tout habillée dans des draps qui sentaient la débarbouillette grise défraîchie. Elle rabattit la couverture par-dessus sa tête et ne tarda pas a plonger profondément dans un rêve.
 
Dehors. le vent bouscule la rivière, que la surcote a fait enfler. De hautes vagues viennent se briser dans les marches de la galerie. Des jouets d’enfants flottent trop près de la maison. La cabane est devenue une maison de campagne. Sous l’assaut des flots, les poteaux et leurs chaînes ont été abattus et flottent à la surface de l’eau. Elle reçoit la visite de Beau Big, qui ressemble à une souris hérisson géante dont elle doit se débarrasser. Celui-ci réveille ses instincts de mort, elle sent son désir de la tuer. Il y a une photo au sol avec deux, non trois personnes : un homme et un homme et une femme, dont on ne voit qu’une mèche verte. Big fond et tombe dans la photo. L’homme édenté se lève de sur la photo, prend une pelle et lui dit : « J’ai des amis écrivains, ils vont dire que tu as tué la souris machin et vont te dénoncer! »

À la vue de l’homme et  de la pelle, Nayla est prise d’une absurde envie de rire. Cela commence par un tremblement dans le ventre qui met en mouvement les cris qu’elle n’arrive pas à émettre. Elle se retient, se retient, gênée de péter devant cet homme qui l’avait reconduite à cette cabane et qui, maintenant, la menace. Elle se précipite dehors, mais l’homme la saisit par son foulard. Elle s’échappe. Il la rattrape et ses doigts saisissent une couette de cheveux. Il l’attire vers lui avant de la projeter au sol. Elle tente de se défaire de l’emprise de l’homme, mais il lui envoie un coup de pied dans les jambes, puis dans les côtes. Il la traîne sur la grève.
Elle tente d’amadouer l’homme.

-          Tellement de phrases incroyables furent écrites dans l’histoire de la littérature que ce ne serait que pure prétention de ma part que de croire pouvoir en inventer une de plus. Je ne fais que prendre des mots dits par d’autres, des mots que vous avez déjà prononcés, tout à l’heure, hier, il y a un an, il y a des siècles, demain, murmura-t-elle.
-          Ta yeule, Bitch ! crache-t-il, accentuant la pression de sa botte sur son torse.
-          Les mâles alpha sont en voie d’extinction, dit Nayla.

La lame commença à déchirer la peau de son cou. Il y a un cri strident, un froissement d’ailes et la terre tremble. Du coin de l’œil, Nayla voit le condor s’abattre trois fois sur son agresseur, le taillant en pièces. Puis, l’oiseau vomit sur ce qui reste de l’homme, une lueur noire brillant dans ses yeux.
 
Nayla se réveilla. Queue de cochon avec ampoule au plafond, murs défraîchis, courbatures. Pluie rageuse, insistante, à la fenêtre. Elle est dans la cabane. Il fait encore nuit. Elle a la nausée. Elle sort prendre l’air. Elle enjambe le parapet de la 132 au pied du phare rouge. Elle veut aller se promener sur la grève, remettre de l’ordre dans la nuit.

Il devait près de quatre heures. La pluie avait cessé, laissant le ciel en lambeaux. Déjà un filet de lumière léchait l’horizon, atténuant le bleu de la nuit. De rares voitures ou semi-remorques filaient en direction ouest. Pourquoi était-elle partie ? Pour punir Jen ? Pour se punir elle-même ? Ses « amis » ne manqueraient pas de penser qu’elle avait agi comme elle l’avait fait pour se faire remarquer. Au fond, elle n’avait que faire de toutes ces intentions qu’on lui prêtait.

À bien y penser, si elle revenait à Montréal, elle renoncerait au bleu turquin de ses cheveux et leur rendrait leur feu naturel que quelques lignes de glace venait déjà étouffer. Nayla regretta d’avoir laissé sa frontale dans la cabane. Demain, elle se renseignerait sur les heures des marées, car elle avait l’intention de partir explorer la grève en direction de Mont-Saint-Pierre.

Je suis partie sans autre but que de partir et déjà, je sais qu’il faut que je revienne, car au bout du monde, il n’y a nulle part où aller, se dit-elle.

Oui, c’est ainsi qu’elle marquerait son retour à l’appartement et, peut-être, dans le cœur de Jen. Pourquoi encore s’étaient-elles brouillées ? Les pires chicanes sont souvent  celles dont l’objet s’est perdu dans l’habitude de la colère. Une sourde rancœur s’insinue dans le couple, résultat d’un reproche qui n’a jamais su s’exprimer correctement. Des broutilles, qui génèrent une frustration injustifiée et disproportionnée que la honte a tôt fait d’enfouir si profondément que nous pensons avoir oublié, pardonné ou dépassé la colère. Mais ce n’est jamais ce qui se produit. La hargne se loge insidieusement dans un repli blessé et y marine. Une insatisfaction sans nom prolifère et contamine peu à peu les non-dits avoisinants, colonisant les vieilles cicatrices et diffusant aléatoirement ses sournoises métastases dans l’âme. C’est ainsi que l’amour meurt doucereusement, sans que nous n’y prenions garde.

Elle enjamba le parapet au pied du phare rouge et descendit sur la grève. Elle avançait tant bien que mal sur les pierres arrosées par les embruns. Le vent dépeignait les nuages qui cavalcadaient dans le gris bleuté du ciel. Son foulard fut arraché et partit au vent. Cela la fit sourire. Elle marchait prudemment sur les crans, évitant les trous d’eau et les algues rouges. Elle atteignit le petit cap et décida de l’escalader. La mer était si belle  Ici et là, le soleil voulait crever le ciel.

Sur le piton, une bourrasque de vent la surprit en même temps que la vague. Nayla eut à peine le temps de sentir la langue froide de l’eau et la piqûre du sel dans ses yeux. Le ciel s’offrait à elle, course folle de bandes grises, blanches et bleues, puis l’iris de Mister Léonard éclata dans sa tête, évoquant le cœur d’une marguerite, la suite de Fibonacci, l’agencement fractal des étoiles de lumière. « Inch’Allah », soupira-t-elle, « que c'est bon de reprendre la mer et l'aventure ! Je suis là où se sera en allée ma vie, emportée dans ce modeste lit de vagues. Je ferai de ces pierres ma maison et d’une pierre noire votre déraison. Je vous salue Marie, pleine de grâces. Vous êtes bénie entre toutes les femmes… » Elle se sentait à la fois lourde et légère, elle avait chaud et froid. Ses vêtements étaient détrempés. Un goût de sel et de sang sur les lèvres. Douleur aigüe aux jambes et à l’arrière de la tête. Chaleur visqueuse dans sa culotte. Odeur de vomi dans ses cheveux. Nayla se dit : « J’ai mal, donc je suis. Je sens, donc je vis. » Elle eut le temps de penser : « Je voudrais être emportée, rider la vague, avoir autant de fougue que les flots. » Puis, avant de fermer les yeux et de boire la mer, elle revit les mots qu’elle avait écrits sous l’escalier :




En marchant dans le pré
            Au détour d’un sentier,
Le vent soufflant m’enveloppe
À sa caresse.
Soudain, j’aperçois la Mort
            Une charogne infâme
            Sur un lit semé de cailloux.
Je me chrysalide en patience,
            Les jambes en l’air,
Le cœur en batture,
Médusée, je flotte vers toi
                        NAYLA
            Comme une femme
            Lubrique, brûlante
Je me rends
Jusqu’aux rochers
Poursuivis par les embruns
            Et suant les poisons
De ce Beau de l’air
Qui, me ravissant
            Ouvrait d’une façon
            Nonchalante et cynique
Sur les traces
De nos peaux tendues
            Son ventre
Dans un filet d’amour
Pas sage
                Plein d’exhalaisons
Ses lèvres gourmandes
Sur nos queues arides

En marchant dans le pré
Au détour d’un sentier,
Le vent soufflant m’enveloppe
À sa caresse,
Soudain, j’aperçois la Mort
Une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux.
Je me chrysalide en patience,
Les jambes en l’air,
Le cœur en batture,
Médusée, je flotte vers toi
Nayla
Comme une femme
Lubrique, brûlante
Je me rends
Jusqu’aux rochers
Poursuivis par les embruns
Et suant les poisons
De ce Beau de l’air
Qui, me ravissant
Ouvrait d’une façon
Nonchalante et cynique
Sur les traces
De nos peaux tendues
Son ventre
Dans un filet d’amour
Pas sage
Plein d’exhalaisons
Ses lèvres gourmandes
Sur nos queues arides
Marchande de peau infâme
Sur un lit, la Pute NAYLA
Lubrique jusqu’aux os,
Use son beau cul vide
Sur nos queues arides.
Au détour d’un sentier
Une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air
Comme une femme
Lubrique, brûlante
Et suant les poisons
Ouvrait d’une façon
Nonchalante et cynique
Son ventre
Plein d’exhalaisons.
En marchant dans le pré,
Le vent soufflant m’enveloppe
À sa caresse.
Soudain, j’aperçois la Mort.
Je me chrysalide en patience,
Le cœur en batture.
Médusée, je flotte vers toi
Je me rends jusqu’aux rochers
Poursuivis par les embruns
De ce Beau de l’air
Qui, me ravissant
Sur les traces
De nos peaux tendues
Dans un filet d’amour
Pas sage
Ses lèvres gourmandes