dimanche 1 septembre 2013

Émilie-Gamelin




Dans ce théâtre sans ombres d'âmes ambulantes,
Un metteur en scène s'approche de ses comédiens
Et glisse quelques roches dans leurs mains impatientes.
Ils s'alignent sur le fil du granit et s’y fixent,
Oiseaux migrateurs du départ en classe tous risques
Vers l'Ouest, vers l'Est, vers le Sud, vers le Nord ou vers Rien.

Certains s’approchent de moi, espérant décrocher
La Lune, le Soleil ou quelques pièces bien sonnées.
Ils justifient leur quête et prétendent mériter
Un peu d’argent, un peu de bouffe, voire un café.
Ils disent ne pas dormir ou si peu ou si mal,
C’est bien assez pour réclamer leur saint Graal.
Ils n’ont que faire des regards et des mots bancals.
C’est le blé qui importe plus que l’assiette tendue
Pour cette faim qui les ronge, mais qu’ils n’ont presque plus
Sauf pour des bouquets de brocolis sur le sol
Qu’ils ramassent avec toute l’arrogance d’une honte folle

Leurs glaviots, leurs mépris, ce reflet qu’ils garrochent,
Réveillent un souvenir sourd que plus rien n’oblitère
Celui où je recueille sur le sol des vieux butchs
Pour rouler des cigarettes molles et au goût rance
Nicotine composite de salives étrangères
Haleines plurielles d’inconnus rencontrés
Au hasard d'un french kiss infect et trop mouillé

Oui, j’ai tremblé comme une feuille dans l’intime errance
De la misère et de la gale aux doigts jaunis
Et me voilà qui revient ici aujourd’hui
Bien parée, déparée dans mes loques relookées,
À me la jouer artiste clocharde dans mes hardes.

Souriante saltimbanque détraquée, embarquée,
Parmi ces pauvres hères aux rictus effarés
Qui promènent leurs manteaux et leurs âmes d’échardes
Sur une place désertée d’où pourtant ils s’évadent
Chevauchant les lignes blanches incertaines de l’oubli
Et tendant leurs gamelles que plus rien ne remplit.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire