Impressions sur le film Dans l’œil de la forgeronne, de Guy Smith et Pierre Bundock
Le film a bien parlé. Il a montré l’intention, le mouvement,
les contretemps, le travail et le résultat. À quelques reprises, il y a eu de
petites étincelles de souvenirs qui m’ont rappelé la genèse du travail de Giacometti.
Toutefois, la démarche de Marie-Josée Roy est différente, ce
n’est pas un travail d’épuration qui l’amène à atteindre l’essentiel. Il y a
quelque chose de l’ordre de l’insufflation, d’un travail de l’incarnation. Tant
de formes du feu ont été appelées. Le manchon (à défaut de savoir comment
appeler le four-cylindre) évoquait une matrice stimulée par le souffle du gaz. Et,
malgré par sa puissance élémentale,
le feu ne servait qu’à préparer la translation de la matière. C’est le choc de ses gestes (les coups portés par le marteau, le chalumeau, les pinces, le grinder, etc.) qui animait la matière
pour la faire porteuse de pensées, d’émotions, de vie.
Il y a toujours cette fascination de constater qu’à partir
du moment où la forme évoque le vivant et, plus particulièrement, l’humain, nous
sentons son désir d’être animée, de vivre. Ça se produit depuis le début de
notre ère en sculpture (Pygmalion et Galatée), en littérature (Frankenstein et
sa Créature), en robotique (Blade Runner),
mais aussi à chaque rencontre : nous anticipons ce qui n’est pas encore
là, nous nous suspendons dans l’attente de ce qui n’a pas encore eu (de) lieu, nous
nous animons les uns et les autres…
Merci pour ces moments de suspension et de traversée des
barres de fer (la matière) à l’enfer (la fusion) qui fait naître l’être.