Mes hurlements me réveillent presque tous les soirs. Je me laisse avaler par la nuit noire, épuisée par la peur d'être nulle part. De longues minutes s'écoulent avant qu'il soit possible de repérer le plafond, les murs, le cadre de la porte de la chambre, la respiration de mon frère, la mienne. Puis il y a les spasmes, ces éclats de rigidité entrecoupés de chutes dans l'abîme, qui me laissent en sueur, paralysée. Fendant l'obscurité, les yeux noirs s'approchent des miens, forçant mon regard. Mes paupières ne se ferment pas, par crainte qu'une fois la barrière des yeux traversée, les yeux noirs auront fait de mon âme leur refuge. Je résiste jusqu'au tremblement de l'aube. Enfin, j'entends la clé dans la porte, les pas dans l'escalier, le corps fatigué qui s'appuie sur les murs de pin à gros nœuds. Sous l'âme de la porte, je reconnais sa silhouette. Il me demande : "As-tu encore fait un cauchemar, un mauvais rêve ?" Je ne comprends pas vraiment ce que ça veut dire, mais je sais de quoi il parle. Il me dit : "Je vais t'apprendre une prière pour éloigner les démons de la nuit." Je ne l'ai jamais oubliée et il m'arrive encore de la réciter, la nuit.
Ange de Dieu, qui êtes mon gardien, puisque le ciel m'a confié à vous, à votre bonté, gardez-moi, protégez-moi durant cette nuit.
mercredi 26 octobre 2011
mardi 25 octobre 2011
Intérieurs - impressions
Notre
participation à titre de performeurs invités (danseurs
diplomés/performeurs
externes) a été une excellente école d’étiquette, une leçon sur
la dynamique des petits groupes.
La
technologie a remporté la mise. L'élément humain n'a pas réussi à en
atténuer la force, car chacun s'est retrouvé seul, dans un groupe,
certes, mais seul. Je me demande ce qui se serait produit si nous avions
réussi à être "ensemble",
même si seuls. Si, d'une quelconque façon, nous avions eu un lien plus
fort avec le couple central (plus fort que le simple rappel d'un élément). Je ne le saurai pas, mais je retiens de cette expérience
l'absolue nécessité de créer un esprit de groupe, un corps de
performeurs uni. C'est la responsabilité de chaque danseur ou performeur d'établir les
contacts qui mèneront à cet esprit de corps, mais il ne faut pas oublier que le chorégraphe a la responsabilité professionnelle de gérer la dynamique du groupe afin d'atteindre les objectifs de représentation qu'il vise.
Souvent,
dans un groupe, il y a des codes à respecter. Cependant, il s’agit souvent de
règles implicites, non exprimées, mais partagées par
les membres du groupe (par ceux qui se reconnaissent comme faisant
partie d’un groupe particulier, ici, les 10 danseurs). Lorsqu’on ne
connaît pas les règles, on crée malgré soi un déséquilibre et le groupe
cherche à assurer sa cohésion. Ainsi, ce que je pensais
être un manque de cohésion du groupe (les 13 performeurs invités) n’en était pas
un : c’est tout le contraire ! D’une certaine façon, en étant des
« outsiders » (3 personnes) cherchant à s’intégrer dans ce groupe, nous
avons été perçues et traitées de la même façon
que toute substance étrangère : un peu comme des virus ou des
allergènes. L’organisme s’est défendu – avant, pendant et après les apparitions dans le dôme! Par
exemple, entre deux tableaux, chacun des 10 danseurs se rassurait et
affirmait son état de danseur (mouvements, routines à
la barre, grand écart, etc.).Projet pré-mortem
Je n'ai ni la chance d'être belle ni la grâce d'être bonne, ce qui ne me laisse d'autre choix d'ici ma mort que de tout mettre en œuvre, y compris ma vie. C'est à cette condition que vivre sera possible. C'est l'une des raisons pour lesquelles je prends des risques, je participe à toutes sortes d'événements, je me commets jusqu'au bout de certaines erreurs, je persiste à danser, je grappille de l'espace et du temps pour écrire sans espoir d'être lue, je chéris chaque moment magique, même si c'est moi qui le crée de toutes pièces.
samedi 8 octobre 2011
Microperformance invisible de voyeure
J'avais planifié payer 10$ pour une danse dans l'isoloir, danse au cours de laquelle je n'aurais pas regardé la danseuse, me contentant de noter, avec le plus de fidélité possible, ce que je percevrais comme signes de présence, malgré l'absence de contact visuel (mobiliser les autres sens que le regard voyeur). Que vient-on voir lorsqu'on est voyeur? Et que voit-on? C'est un peu une démarche inversée que je me proposais de faire. Pour cela, il aurait vraiment fallu que je me trouve seule à seule avec l'une d'elles pour tenter de percevoir ce qui se passe dans cet espace tenu tout nu.
Éventuellement, j'aimerais explorer ce qui se passe lorsque quelqu'un de plus vieux et de plus fripé se dénude - un strip de vieux, quoi. J'ai gardé un souvenir très très vif d'un antistriptease de Dulcinée Langfelder. Elle était entrée en scène flambant nue et s'était progressivement habillée. Ça m'avait plus remuée que tous les stripteases que j'avais vus au Cléopâtre... Mais revenons à mon projet de microperformance invisible de voyeure.
Les choses ne se sont pas passées comme prévu...
My
companion and I arrive early. After checking in, the doorman peeks in my purse
and guides us to our table near the wall. I remember another friend will be
joining us later – so I rise to find the doorman and ask if he would kindly
make us sit at a round table instead – since there are three armchairs. While
my friend is gone to the men’s room, another man approaches me. He has a
peculiar aura about him: his music box is bloating with sounds of women
climaxing. Strangely, I do not feel disgusted and as he bends towards me, so I
reach towards him. He hands me a VIP card and I thank him, and there’s
something like a smile in his demeanour. And there it is, a feeling of strange
awareness that comes over me. It will last all evening long. The doorman comes
back and guides me to a table with three red armchairs.
I sit,
quite comfortable, still waiting for my friends. I see two women slowly coming
in my direction. The woman taking place in front of the other is naked. She
glides around the stage holding the second woman with a string – or is it a
leash? The second woman is dressed. They move along. Why is it that I feel as
though the naked woman is dressed, and more so than the second woman? A French
word hits me: pudeur, which is “sense
of modesty”. Is it because I “know”, well not exactly, who the naked woman is
that I “cover” her so as not to feel ill at ease (or even shameful)? As I
ponder this, my friend comes back and sits by my side.
The naked
woman and her Créature approach my
friend to invite him to the isoloir.
He is not ready – yet. He tells me he has just arrived – in a certain way – so
he passes his turn, turns away the passe,
and lectures me about the deconstruction that seems to be taking place here. He
is more of an intellectual that I am, so I reflect on this. Then, I let myself
be adrift, not “expectant” of any reaction or thought I might have, so as to be
there, here, in the presence of the performers – yet feeling intense absence
then and now as the evening moves on.
[...] The
naked woman and her Créature stand on
stage. Then, black feathered Créature
begins to shed, piece by piece, leaving clothes and accessories here and there. They seem like droppings to me. The naked woman starts fluttering and reminds
me of a panicked hen. She cries and shrieks and in doing so succeeds in
obviating the stripped Créature with
every desperate and pathetic “ta-dam!” – and I find myself in a state near
shock, shattered. I am hurting in the end when the naked woman starts picking
up the pieces, mopping away what is left on the floor... What? Who? Where? The
mopping does not clean, but brings a sense of detachment. So, it is over, for
now, since the naked woman and Créature will soon resume roaming around the stage.
Elles reviennent vers moi, la femme nue et sa Creature. Je pense qu'elles viennent me chercher pour aller dans l'isoloir. Je prends mon sac à la hâte, car mon petit cahier et mes crayons sont à l'intérieur. Mon sac est tout croche et je n'arrive pas à le refermer. Creature me prend pas la main et me dit que nous allons passer par la scène. Mais ce n'est pas pour aller dans un isoloir... D'autres spectateurs dansent avec une danseuse qui les a choisis. Je suis empêtrée par mon sac - je finis par le lancer sur le sol, une partie du contenu s'en échappe. J'ai alors le choix d'être maladroite, nerveuse, paniquée, puis je regarde Creature (Miss Betty Wilde, je crois) et je décide d'assumer le présent. Je danse collée-collée, caressant le corps de Creature, éloignant nos torses en gardant nos bassins soudés, balayant ses cheveux de son visage lorsqu'ils tombent devant ses yeux, allant au devant du trouble (le mien? le sien?) parcourant son bras pour ramener sa cigarette vers ma bouche pour prendre une touche... Bref, acceptant totalement d'être dans cette danse, cette discordanse, et de m'y abandonner.
La microperformance invisible n'aura pas eu lieu, finalement.
Baveuse, moi?
La vie est pleine de signaux qu'il faut prendre le temps de capter. Comme ce message en lettres rouges sur T-Shirt noir du portier du Kingdom: "It's always you vs. you". Sagesse rude de ceux qui en ont bavé, en bavent, en baveront, parce qu'ils sont baveux...
Inscription à :
Articles (Atom)