La conscience d'un "don" apparaît très tôt chez certains individus. Bien souvent, ce sont les proches qui en pressentent l'existence et qui le stimulent, ou pas. Dans certains milieux, il arrive qu'un don soit perçu comme dérangeant, voire inacceptable. L'enfant doit alors porter un fardeau et s'inscrire en porte-à-faux de certaines valeurs du groupe auquel il appartient. Souvent, on le surprend à penser qu'il est un enfant adopté ou encore, à rêver qu'un jour, des extraterrestres viendront le chercher à l'école, en plein milieu d'un examen, pour le ramener chez lui, parmi les siens. Certains individus ont moins de chance. Dans leur enfance, ils cherchent ce don ou ce talent qui rendrait acceptable leur profonde différence, sans le trouver. Bien souvent, ils oscillent entre l'exaltation et le désespoir, dans la plus grande indifférence de leurs proches. À l'adolescence, les poussées hormonales alimentent ce sentiment aigu qu'il FAUT que quelque chose compense, explique, justifie leur différence réelle, ou perçue comme telle.
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Des événements inexplicables, souvent sous la forme de sentiments de "déjà vu", sont survenus. Je ne veux pas en parler, j'ai même intérêt à me taire, car j'ai constaté que certaines personnes éprouvent un malaise en ma présence. Ce malaise entrelacé de peur a pris des proportions monstrueuses l'autre jour, car quelques secondes avant que la porte de la classe ne s'ouvre, j'ai prononcé les mots suivants: "Le petit Laplante est malade, il faut le ramener chez lui". La directrice adjointe a effectivement ouvert la porte de la classe, et demandé à la titulaire si j'y étais (j'habite dans la même rue que le petit Laplante). J'ai sursauté lorsqu'elle a prononcé mon nom, mais pas autant que les autres élèves et la titulaire lorsqu'elle m'a demandé si je pouvais aller reconduire le petit Laplante chez lui, car il était malade. La semaine suivante, j'avais un rendez-vous en psychiatrie.